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On Assia Djebar
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Vaste est la prison, Albin Michel, 1995

Réception française

« Le ventre de l’architecte » Sophie Bonne. Les Inrockuptibles, mai 1995.

En 1988, Assia Djebar commence Vaste est la prison, le troisième volet, mais les événements d’octobre (violentes manifestations de la jeunesse algérienne contre le pouvoir en place) en suspendent l’écriture : « J’ai alors pris la décision d’écrire Loin de Médine. » Loin de Médine, ou les origines de l’Islam vécues du côté des femmes, intimes ou contemporaines du Prophète. […] Après sa sortie en 1991, elle reprend l’écriture de Vaste est la prison,

 Meqqwer Ihebs iu inyan/Ans’ara el ferreg felli !’

Vaste est la prison qui m’écrase/D’où me viendras-tu, délivrance ?

Ce chant berbère, qui donne son titre au livre, revient en sourdine au long des récits, comme une ponctuation intérieure des personnages (‘Bahia muette, le visage sec, se répétant en elle, tout au fond d’elle, la complainte berbère de la cousine à la joue lacérée… ‘Vaste est la prison qui m’écrase’, ‘Meqqwer Ihebs iy inyan’ : deux ou trois mots tantôt en arabe et tantôt en berbère chantaient en elle, lentement, avec des cahots, une sorte de marche rude, qui tanguait, mais qui calmait aussi.’)

« L’Algérie perdue d’Assia Djebar » signé M.G., L’Evénement du Jeudi, 6 Juillet 1995

 

Vaste est la prison de l’histoire algérienne. Elle finit par se refermer même sur ceux qui ont cru la fuir. Ainsi, le 15 mars 1994, Assia Djebar apprend la mort de son beau-frère Abdelkader Alloula, directeur du théâtre d’Oran. Elle remonte chez elle et s’y enferme pendant trois mois en compagnie des mots, sa seule armure. Elle écrit pour ne pas mourir, pour que les morts ne meurent pas tout à fait, elle écrit une Algérie féminine, amoureuse. Son dernier roman voltige d’un passé l’autre à travers le chuchotement des femmes d’hier. Une construction en miroir ou chaque monde ouvre sur le précédent. Il s’agit de remonter toujours plus loin dans le temps à la recherche des passions qu’une Algérienne se doit de ne jamais dire, tant est lourd le silence qu’impose celui qu’en dialecte les femmes nomment « l’ennemi » : l’époux. Roman des désirs invisibles écrit à l’heure où l’Algérie n’est plus investie que par un désir de mort.

 

 « Je suis l’architecte d’une Algérie perdue, intime, dit Assia Djebar, J’accrochais sur tous mes murs les différentes constructions du livre au moment même où le pays explosait et c’était en moi une façon de le faire renaître. »

 

Ecrire, disent-elles, les Algériennes. Pour exorciser la destruction.

 

 « Quand l’ennemi est à la maison » L’Algérie d’Assia Djebar est fourmillante de vie, entre tragédie et chaude sensualité, Eliane Waeber Review Vaste est la prison 25.03.1995

 

Assia Djebar est considérée comme l’un des plus grands écrivains du Maghreb. Il y a près de quarante ans qu’elle publie, mêlant à sa façon histoire et autobiographie. Elle est traduite dans de nombreuses langues. La situation actuelle en Algérie auréole cette figure à la fois féminine et intellectuelle, qui a intégré sa double culture d’une façon exemplaire.

 

On est donc loin du témoignage linéaire et fruste qu’engendre parfois l’édition « réaliste ». Assia Djebar nous entraîne dans un chant tumultueux, elle surprend, brise les clichés, explore les racines et cerne les différences. Vaste est la prison est le troisième volet de « Quatuor algérien », un chant polyphonique qui évoque des vies de femmes. Comme dans une conversation à bâtons rompus, la narratrice engrène des souvenirs personnels, rapporte des histoires qu’on raconte dans la famille, évoque en vrac le décès d’une voisine, le voyage en France d’une parente. […]

 

Les morts d’aujourd’hui

 

Pour raconter sa vie et celle de ses proches, elle use du ton alerte du reportage. Mais quand elle évoque les morts, son discours devient chantant, poétique, comme si elle puisait dans d’anciennes mélopées. Il y a les morts paisibles des anciens, racontées avec douceur et respect, les morts prématurées racontées avec émotion et les morts par violence de l’Algérie d’aujourd’hui où son discours devient grondant, lourd de révolte. C’est qu’Assia Djebar est allée terminer ce livre à Paris, l’an passé.

Pourtant Vaste est la prison n’est pas un chant triste. Il est empreint de tendresse, d’humour, et surtout d’une chaude sensualité. Son titre est emprunté à un chant berbère de Kabylie « Vaste est la prison qui m’écrase. D’où me viendras-tu, délivrance ? »

 

 

« Assia Djebar » 18.03.95, Le Quotidien Jurassien

 

« Vaste est la prison qui m’écrase » dit la complainte berbère qui ouvre ce roman sur l’Algérie des femmes d’hier et d’aujourd’hui. Comme dans le présent algérien s’entremêlent ici des tragédies, des passions et des mutations, celles de femmes presque toujours en mouvement : la narratrice dans le désert et le silence d’une passion d’amoureuse, l’aïeule qui à quatorze ans épouse un riche septuagénaire, la mère quittant le voile pour rendre visite en France à son fils prisonnier politique, et tant d’autres figures féminines peintes comme des « fugitives et ne le sachant pas », improvisant leurs chants de deuil, de joie, de lutte et d’espoir.

 

Jacque Berque, letter to Assia Djebar, June 2, 1995 (five days before his death)

 

“Obliteration, imprisonment, repression, isolation – so many negatives have assailed this harsh, dense land since the beginning, its black destiny, whose feminine side seems only to have aggravated the widespread cruelty. Yes, so vast the Algerian prison!”