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La Disparition de la langue française, Albin Michel, 2003

Revues françaises - citations

 

Josyane Savigneau, « Assia Djebar et l’impossible retour », Le Monde, 7/11/03

 

Avec cette Disparition de la langue française, qu’elle aurait pu aussi appeler Tout disparaît, Assia Djebar a écrit l’un de ses livres les plus émouvants, à lire et à relire, à méditer aussi.

Berkane, un homme dont la jeunesse a été placée sous le signe de la colonisation et de la guerre d’Algérie, revient au pays à l’automne de 1991, après vingt ans passés en France. La comédienne française avec laquelle il vivait, Marise ou Marlyse (selon qu’on se réfère à son identité légale ou à son nom d’actrice), l’a quitté.

Est-ce cet abandon qui a suscité le retour ? Ou l’approche de la cinquantaine, le sentiment qu’alors qu’on paraît dix ans de moins que son âge réel, on est soudain « usé » ? Probablement quelque chose de plus mystérieux encore, que son récit tente, sinon de cerner, du moins d’approcher.

Berkane écrit à Marise/Marlyse des lettres qu’il n’envoie pas, pour dire son désarroi lorsqu’il retourne dans le quartier de ses jeunes années : « Des retrouvailles irrémédiablement fissurées, partant à la dérive, comme un paquebot qui se pencherait juste avant de s’enfoncer. »

Cette dérive, Nadjia, avec laquelle il a une éphémère histoire d’amour peu après son retour, la voit symbolisée par l’usage de la langue. A Berkane, constatant que le français « comme langue politique », « est en défaillance » dans la classe dirigeante, elle répond : « Mais les autres, de l’autre côté, les fanatiques, as-tu senti leur fureur verbal, la haine dans leurs vociférations ? » Leur langue arabe, elle ne la reconnaît pas : « C’est une langue convulsive, dérangée, et qui me semble déviée. Ce parler n’a rien à voir avec la langue de ma grand-mère (…) langue d’amour et de vivacité. » « Le pays est devenu un volcan », dit Nadjia qui s’en va. Berkane, alors, entreprend, en français, à partir de décembre 1991, un journal et un très beau récit de son adolescence.

En dépit des mises en garde de son frère, Driss, un journaliste menacé, Berkane décide, en septembre 1993, d’aller voir les lieux où il a été détenu, en 1962. Un berger retrouve sa voiture dans un fossé : « sur une route écartée ». Aucune trace de vie : disparition – un mot qui va hanter durablement les lecteurs d’Assia Djebar.

                                                                                                                        Jo. S.

 

Claire Rostan, « Le passé sur le bout de la langue », Elle, 10/11/2003.

Comment rompre l’exil ? Comment retrouver son pays et sa langue après vingt ans d’absence ? Un pays, une langue, un amour : sur ces trois points d’ancrage, l’identité d’un homme peut se construire, ou se reconstruire. C’est l’idée qui sous-tend le nouveau roman d’Assia Djebar, La Disparition de la langue française.

On la connaissait écrivain de la cause des femmes, et voilà qu’elle nous entraîne sur les pas d’un homme déchiré, dans une déambulation nostalgique et poignante. Après vingt ans d’exil en France, sous le coup d’une rupture amoureuse, Berkane revient avec enthousiasme dans une Algérie qui parle à son sang : « Ma Casbah, j’y retourne, j’y reviens pour revive, mon cœur y bat. » Mais il se heurte à la difficulté de superposer son passé à la réalité de l’Algérie moderne. Il trouve l’apaisement contre le flanc rond de Nadjia, une jeune femme exilée comme lui, qui navigue dans l’entre-deux des cultures.

La place des femmes dans ce livre est souterraine mais centrale, comme sans doute dans toute société où elles avancent voilées : c’est par une femme Maryse, que Berkane avait trouvé sa place en France, par une autre qu’il se réapproprie sa culture maternelle. Avec Nadjia, il retrouve les mots arabes de l’amour et, lorsque le français disparaît, son pays lui revient : « Le français me devient une porte étroite pour maintenir l’aveu de volupté qui scintille dans mon logis. »

Rendu à ses souvenirs par sa maîtresse, Berkane est submergé par le retour d’une enfance folle dans la Casbah bruyante et gaie des années 50, interrompue par la guerre : ce roman est aussi celui d’une jeunesse algérienne, hantée par les images tragiques des meurtres, des camps de prisonniers, des tortures. Assia Djebar, elle-même exilée, écartelée entre deux cultures, a choisi d’écrire en français […] Et c’est au cœur de ses phrases chaudes que se résout la difficile conciliation entre la France et l’Algérie.

 

 

ST, « Identités », L’Hebdo (Lausanne) 21.08.2003

Un homme rentre en Algérie après vingt ans passés à Paris. Parlera-t-il arabe ou français ? Assia Djebar esquisse une identité plurielle, et trouve le ton juste, dans une écriture intense et sobre, pour évoquer les tortures d’hier et les massacres d’aujourd’hui.