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Chronologie

Juin 1936         Naissance de Fatma Zohra à Cherchell, Algérie, de Tahar Imalhayène et de Bahia
                      Sahraoui (de la tribu des Berkani du Dahra)

1937-1946        Enfance à Mouzaïaville dans la Mitidja où le père est instituteur. Elle fréquente
                       l’école française. Les premières années, après l’école française, elle va dans une école
                       coranique privée ; elles sont deux filles au milieu des garçons.

1946-1953        Elle étudie au Collège de Blida, section classique, le latin, le grec et l’anglais. Elle est la seule musulmane dans sa classe. Il y a une vingtaine d’Algériennes qu’on appelle « les indigènes » mais elles sont en section moderne. Toutes sont internes. Fatma Zohra passe le bac à Blida et Alger.

Oct. 1953         Hypokhâgne au Lycée Bugeaud (aujourd’hui Lycée Emir-Abdelkader) à Alger, où Albert Camus a fait ses études. Elle suit l’enseignement du Professeur Lamblin.

Oct. 1954         Son père accepte de la laisser partir en khâgne à Paris, au Lycée Fénelon où elle rencontre Jacqueline Risset. Leur Professeur de Philo est Dina Dreyfus.

1 Nov. 1954     La guerre d’Algérie commence.

Juin 1995          Elle réussit l’entrée à l’ENS de Sèvres qui s’installe Boulevard Jourdan, dans le 14ème arrondissement. La directrice de l’Ecole est Mme Prenant, Professeur de Philo, spécialiste de Spinoza.

                       A partir d’Octobre 55, en 1ère et 2ème années, elle choisit non pas la Philo mais l’Histoire. Elle aurait aimé étudier l’arabe littéraire mais cet enseignement n’existe pas.

Mai-Juin 1956  Grève des étudiants algériens. Fatma Zohra ne passe pas ses examens en raison des « événements »

Juin 1957          Son premier roman La Soif, qu’elle a écrit en deux mois, est publié chez Julliard. Il est traduit aussitôt aux Etats-Unis où il a du succès et reçoit une importante édition en livre de poche. Fatma Zohra prend le pseudonyme de Assia Djebar à cause de ses parents et à cause de l’administration de l’Ecole.

Mars 1958        Elle continue à faire la grève des examens. La directrice de l’ENS, qui est alors Marie-Jeanne Durry, la contraint de quitter l’école.

                        Assia épouse un Algérien et quitte la France avec lui pour la Suisse puis Tunis.

Eté 1958 –        À Tunis, Assia travaille comme journaliste en collaboration avec Frantz Fanon.

Eté  1959           Elle se rend dans les camps, aux frontières tunisiennes, avec la Croix Rouge et le Croissant Rouge, où elle fait des enquêtes parmi les paysans algériens réfugiés après le bombardement de Sakiet Sidi Youssef.  Son 4ème roman Les Alouettes naives, qu’elle publiera en 1967, retrace cette période.

                        A Tunis, en 1958, Assia rencontre Kateb Yacine.

                        Elle prépare, sous la direction de Louis Massignon, un Doctorat d’Histoire sur Aïcha el Manoubia, sainte patronne de Tunis à la fin du XIIème siècle, et étudie le récit des miracles.

Sept. 1959         Assia retrouve au Maroc son Professeur en Sorbonne Charles-André Julien, spécialiste de l’Histoire de l’Algérie, qui est Doyen de la Faculté des Lettres de Rabat. Elle enseigne pendant 3 ans comme Assistante en Histoire.

Été 1960           Assia écrit Les Enfants du nouveau monde. Certains récits lui sont inspirés par sa mère et sa belle-mère qui viennent lui rendre visite à Rabat et qui lui racontent des épisodes de la guerre à Blida vue depuis le patio des femmes. Le roman ne sera publié qu’en 1962 à cause d’un litige entre le Seuil et Julliard.

1962                 Le 1er juillet, Assia rentre à Alger, envoyée par Françoise Giroud, directrice de l’Express, pour faire un reportage sur les premiers jours de l’Indépendance.

                        Enterrement de sa grand-mère maternelle. Son texte Les morts parlent se fait l’écho de ce deuil.

                        Le 1er septembre, elle est nommée Professeur à l’Université d’Alger où elle est la seule Algérienne à enseigner l’Histoire. Assia choisit de travailler sur le XIXème siècle et l’Etat de l’Emir Abdelkader. Elle enseigne jusqu’en 1965. L’Histoire, comme la Philosophie, doivent alors être arabisées : Assia se met en disponibilité et quitte Alger pour Paris.

Oct. 1966 –      Résidente en France, elle fait des séjours réguliers, l’été, chez ses parents au

Janv. 1974         bord de la mer, à Daouda (Alger). Adoption à 13 mois de sa fille Djalila, née en Juin 1965.

1974 –              En janvier 1974, retour à Alger. Elle enseigne la littérature française et le

1975                 le cinéma au Département de Français de l’Université. Tahar Djaout suit son séminaire de Cinéma. Elle travaille également à l’A.A.R.D.E.S., dirigée par M’Hamed Boukhobza, pour des enquêtes sociologiques sur les structures familiales d’émigrants.

                        Divorce en Octobre 1975.

                        Assia dépose à la TV algérienne un projet de film long métrage qui est un documentaire-fiction sur la tribu de sa mère, les Berkani, au nord de Cherchell.

1976 –              Le tournage du film La Nouba des femmes du Mont Chenoua a pour lieu

1978                 principal Tipasa, avec deux comédiens et des acteurs non-professionnels. En même temps, Assia assure ses cours de littérature à l’Université. Plusieurs chapitres de son roman Vaste est la prison évoquent des épisodes du tournage.

1979                 Montage du son à Paris. La réception du film, lors de la première projection à Alger, est houleuse. Sélectionné par le Festival de Carthage, La Nouba est déprogrammé par Alger. Protestation des Critiques étrangers qui demandent une autre projection.

                       Reçoit le Prix de la Critique internationale à la Biennale de Venise. Accueil enthousiaste du public.

1980                 Est invitée avec La Nouba des femmes du Mont Chenoua au premier Festival de femmes. La Télévision algérienne ne donne pas suite : il faut attendre 1995 pour que le film soit diffusé par « Women Make Movies » à New York.

                        Publication du recueil de nouvelles Femmes d’Alger dans leur appartement aux Editions des femmes.

1981 –              Epouse le poète Malek Alloula.

1984                 Assia refuse un poste à l’UNESCO. Retirée à l’Hay-les-Roses, elle se consacre à l’écriture.

                        Elle travaille à un nouveau film de montage à partir des Archives à Paris : La Zerda ou les chants de l’oubli, avec le musicien Hamed Essyad. Le film est financé par la Télévision algérienne. En février 1983, il obtient au Festival de Berlin le Prix du Meilleur Film historique.

1985                 Publication de L’amour, la fantasia, premier livre du « Quatuor algérien ». Critique enthousiaste. Prix de l’Amitié franco-arabe. Détachée au Centre Culturel Algérien à Paris jusqu’en 1994, elle y organise entre autre un colloque sur l’œuvre de Mohammed Dib.

                        Elle est nommée par Pierre Bérégovoy au Conseil d’Administration du Fonds d’Action Sociale (Emigration en France) ; elle y restera six ans.

1987                 Publication d’Ombre sultane, deuxième volume du quatuor. Prix Liberatur à Francfort-sur-le-Main (meilleur roman de femme). Assia commence à faire de régulières tournées de lectures. A l’Institut culturel Français de Heidelberg, elle est reçue par Mireille Calle-Gruber.

1991                 Publication de Loin de Médine.

                        Nommée Membre du jury de l’International Literary Neustadt Prize aux Etats-Unis, qui est composé de dix écrivains, Assia y défend Mohammed Dib.

à partir de         Série de conférences dans les Universités d’Amérique du Nord. Lors du

1992                 Colloque de Queen’s University (Canada) organisé par Mireille Calle-Gruber, elle rencontre Gayatri Spivak.

1993                 Carrefour des littératures à Strasbourg.

1993 –              Les assassinats en Algérie frappent ses proches : Tahar Djaout est tué le 3 juin

1994                 1993 ; Mahfoud Boucebci le 15 juin ; M’Hamed Boukhobza le 27 juin. Abdelkader Alloula, son beau-frère, est assassiné le 11 mars 1993 et meurt à Paris le 15.

1994                 Passe trois mois à Strasbourg avec une bourse d’écrivain. Commence Les Nuits de Strasbourg, qui sera interrompu. Participe à la fondation du Parlement international des écrivains Christian Salmon.

1995                 Publication de Vaste est la prison, écrit à Paris en 1994. A Berkeley, où elle est Professeur invité, Le Blanc de l’Algérie, hantée par les assassinés d’Algérie.
Reçoit le prix Maurice-Maeterlinck à Bruxelles, Doctorat honoris causa à l’Université de Vienne.

Mort du père en octobre. Elle va à Alger.

Puis, à son retour, elle accepte la direction du Centre Francophone de l’Université
            de Louisiane, à Baton Rouge.

1996                 Parution du Blanc de l’Algérie.

1997                 Parution de Oran, langue morte. Prix Marguerite Yourcenar (Boston, octobre 1997)                         Sortie des Nuits de Strasbourg.
                        Prix du Meilleur essai en Allemagne et Prix International de Palmi en Italie (1998).
                        Vaste est la prison, traduit aux Etats-Unis et publié par Seven Stories, reçoit de
                        nombreuses et excellentes critiques.

1999                 Elue à l’Académie Royale de Belgique sur le fauteuil de Julien Green.

2000                 Monte au Teatro di Roma (juin-octobre) l’opéra écrit l’année précédente :  
                        Figlie d’Ismaele
nel Vento e nella Tempesta. Repris à Palerme et à Trieste en octobre.

                        Reçoit le Prix de la Paix à Francfort-sur-le-Main.

2001                 Quitte la Louisiane pour New York University.

2002                 Doctorat honoris causa de l’Université de Concordia (Montréal).

                        Nommée Silver Chair Professor à New York University.

                        Parution de La Femme sans sépulture.

2003                 Un colloque international « Assia Djebar, nomade entre les murs… », organisé                         à la Maison des Ecrivains par Mireille Calle-Gruber, réunit autour d’Assia, outre
                        de nombreux critiques universitaires et ses traducteurs, les écrivains Andrée Chédid,
                        François Bon, Pierre Michon, Albert Memmi, Abdelkebir Khatibi, Jacqueline Risset.

Publie La Disparition de la langue française.

2004                 En Italie (Pordenone), le prix littéraire Dedica est consacré tout le mois à                             l’œuvre d’Assia Djebar.  

2005                 Reçoit le doctorat honoris causa de l’Université d’Osnabrück, ville-symbole de l’historique Traité de Westphalie et de la concorde entre les peuples et les religions.

16 juin 2005      Assia Djebar est élue à l’Académie Française.

                       Reçoit le prix Pablo Neruda à Naples, Italie en décembre 2005.

 

2006                 Reçoit le prix Grinzane Cavour à Turin, Italie en janvier 2006.

                        Réception à l’Académie Française aura lieu le 22 juin 2006.

 

 

 

 

« 1936 Cherchell, à une centaine de kilomètres à l’ouest d’Alger, l’ancienne capitale de la Maurétanie césarienne et de Juba II dans l’Algérie antique : c’est là que naît le 30 juin 1936 Fatma-Zohra Imalhayène dans une famille de petite bourgeoisie traditionnelle.

Le père fait des études à l’Ecole normale musulmane d’instituteurs de Bouzaréah, où il est condisciple du futur romancier algérien Mouloud Feraoun (1913-1962). Du côté maternel, dans la tribu des Béni Menacer, on trouve un aïeul, Mohammed Ben Aïssa El Berkani, qui était lieutenant (khalifa) de l’Emir Abdelkader à Médéa. L’arrière-grand-père, Malek Sahraoui el Berkani, neveu du khalifa et caïd des Beni Menacer, prend la tête en juillet 1871 d’une rébellion, parallèlement à la révolte dans les Kabylies. Il est tué au combat le 2 août 1871. Fatma-Zohra fréquente l’école coranique et l’école primaire française à Mouzaïaville (Mouzaïa actuellement) dans la Mitidja, où le père était instituteur. » 

Jean Déjeux, Assia Djebar, écrivain algérien cinéaste arabe



Photo by Nadji
©Photo by Nadji

 

 

 

 

Mon Enfance

Mon enfance, dans l’Algérie coloniale, s’est passée dans deux lieux. Mon père était instituteur. L’année scolaire se déroulait dans un petit village de colonisation, dans la plaine de la Mitidja, non loin d’Alger. Mon père était le seul instituteur algérien musulman, au milieu de collègues français, la plupart débarqués récemment de la France métropolitaine. Quand arrivaient les vacances scolaires, nous retournions à la ville d’où est originaire toute ma famille maternelle et paternelle ; c’est une des plus vieilles villes d’Algérie, qui s’appelle Cherchell, qui s’appelait, dans l’antiquité, Césarée, près de Tipasa, elle fut la capitale de la Maurétanie Cesarienne pendant cinq siècles.

Dans cette cité, repeuplée au seizième siècle par des familles de réfugiés andalous, toutes mes attaches et les traditions des miens se trouvent là. Alors que, dans le petit village de colonisation, nous étions isolés : la population autochtone étant presque entièrement composée d’ouvriers dépossédés, salariés dépendant de colons français très riches.

Lectures de jeunesse

J’ai quitté cette vie familiale à dix ans pour aller au collège de Blida. Mon père était passionné d’histoire, pendant les longues siestes d’été, je lisais ses collections sur La Révolution française avec les portraits de tous les grands révolutionnaires de 89…

Sur le plan littéraire, mon père aimait Anatole France, et naturellement les classiques du XIX… Moi, ce qui m’a d’abord marquée, vers l’âge de 13 ans, à la pension où j’étais à Blida (j’avais une amie mi-italienne, mi-française et nous lisions énormément), ce fut un livre : La Correspondance d’Alain Fournier et de Jacques Rivière. Deux jeunes étudiants, à 18 ans, au début de ce siècle, découvraient Gide, Claudel, puis Giraudoux… Grâce à ce livre, j’ai commencé, plus jeune que les autres, à lire, à lire vraiment, à faire la différence entre les livres de littérature qui vous forment et, disons, les livres pour enfants, livres d’aventures et de simple évasion…

Le plaisir de lire

A propos de livres d’enfant, je me souviens qu’à sept ans, je crois, en rapportant de l’école un livre d’Hector Malot, je pleurais à gros sanglots dans ma chambre et ma mère accourait affolée: or c’était le plaisir de pleurer à la lecture d’un livre sentimental! Ce fut mon premier souvenir de lecture…

Mais ce qui a dû déterminer ma conscience vive et admirative de ce qu’est vraiment la littérature, ce fut le fait que 3 ans ou 4 ans à l’avance, je lisais des livres un peu complexes et dont la densité (ou la difficulté à les comprendre vraiment) me fascinait… 

Peut-être que mon désir d’écrire est né à ce moment là !... 

J’ai eu d’ailleurs, un été de cette pré-adolescence, (à 13 ans, je crois) le projet d’écrire un roman pour pouvoir, l’ayant terminé et pensant l’envoyer en cachette à quelque éditeur, en faire simplement la surprise à mon père ! Projet puéril dont j’ai oublié le contenu, sauf que je ne pus terminer cette ébauche… 

 

Assia Djebar Speaking : An Interview with Assia Djebar

Edited by Kamal Salhi

“International Journal of Francophone Studies”, Vol. 2, No. 3, 1999

 

 

 

 

Assia Djebar by Clarisse Zimra

 

« Algerian-born, Moslem raised, Paris-educated, Assia Djebar has been writing for close to a half-century, accumulating a considerable body of works. She has tackled all genres: poetry, plays, short-stories, novels and essays. She has written, directed, and edited her own films, winning the Biennale prize at the 1979 Venice Film Festival with her very first attempt, La Nouba des Femmes du Mont Chenoua (The nouba or “ritual” festival of the Women of Mt. Chenoua). She has staged her own plays and both translated and directed the plays of others (Amiri Baraka’s, for example). In 2000, she authored an operatic libretto, “Filles d’Ismaël dans le vent et la tempête” (Daughters of Ishmael, through wind and storm). Based on her 1991 narrative on the life of the Prophet, Far from Medina, this oratorio was performed to excellent reviews in Rome and at the Palermo Arts Festival. A second version, in classical Arabic this time, is commissioned for future performance in Holland.

 …

 A subject of Empire, Djebar was born Fatma-Zohra Imalhayen, 30 June 1936, into an Arabo-Berber family. Her teacher father believed in the republican principles of 1789 and, shunning the veil, sent his daughters to French boarding school. Her mother, who insisted that they also receive Q’ranic training, revered the memory of a great-uncle beheaded for leading the 19th century resistance against the French in the Chenoua mountains. His tribal stand and the ensuing death by fire of men, women, children, and animals in the subterranean Dahra Caves, figure prominently in the 1985 novel, Fantasia: an Algerian Cavalcade (L’Amour, la fantasia), as does a piece on her father’s fateful decision that would forever render her hostage to the colonizer’s language. Fantasia is the first installment of an ambitious autobiographical tetralogy on which Djebar has been working for over twenty years. Two more, A Sister to Scheherazade (Ombre sultane) and So Vast the Prison (Vaste est la prison) have been completed. The fourth (title unknown) is in progress.

 …

 Djebar came of age as her country plunged into a brutal anti-colonial war that would last eight years (1954-62). By 1958, she was on the run and turned up in Tunis, where she finished a graduate degree under Louis Massillon, a grand old man of Arabic studies in the West, while contributing to El Moujahid, the official mouthpiece of the revolution, under Frantz Fanon. Upon independence, she returned home to a teaching position at the University of Algiers. But further upheaval in her native land and increasingly difficult publishing conditions would result in a ten-year silence and a second exile to Paris in the 1980s. The current civil war precipitated a third move to the United States in the 1990s, where she directed the Francophone Studies Center at the University of Louisiana Baton Rouge. As of Fall 2001, she is Distinguished Professor of French and Francophone literature at New York University.

 

She got her start barely out of her teens. In 1956, boycotting exams in solidarity with the Algerian war, Djebar opted to pass the time writing. The Mischief (La Soif) came out the following summer to Parisian acclaim, in part because the author’s tender age should have precluded such precocious diving into the lurid waters of adultery, abortion, and death among the acculturated Algerian upper-class. To preserve propriety, she chose a pseudonym. Immediately translated in the U.S., The Mischief was favorably reviewed in the New York Times of 12 October 1958 and soon followed by les Impatients (The Impatient Ones), a novel in the same vein. Algerian nationalists were not amused. They condemned themes that did not serve the struggle, oblivious to the fact that her frank depictions of female eroticism heralded a revolution of a different order.

 

 She turned to the realities of war with Les enfants du nouveau monde (Children of the New World) and Les Alouettes naives (Innocent Larks), stories centered on women’s role in the urban resistance as well as on the battlefield of a war where torture was practiced regardless of sex. Less sanguine than Fanon, who believed that their sacrifice would gain women the rights refused them under colonial oppression, Djebar was already hinting at their alienation. Her first collection of short stories, Women of Algiers in their Apartment (Femmes d’Alger) anticipated the systematic denial of their civil rights. Barely birthed, the new socialist paradise was returning to tired allegories of national purity that have yet to abate: Woman-as-nation, Woman as Mother, Woman-as-Sacrifice, Woman-as-Islam. Conflating real human beings and political symbols, the official discourse blocked all female agency. By 1976, a new Charter had re-established Islam as state religion.

 

Written in Algeria during her self-imposed silence but published in France in 1980, Women of Algiers prepared the ground for the monumental tetralogy, simultaneously born of her cinematic experimentation and her own research into familial history. In overlapping narratives, the collective oral memory transmitted by the ancestral grandmothers of the Chenoua mountains -- some of who appear in the film -- resists the official version of the conquerors, whose documents she quotes without editorial intervention, letting their unremitting brutality speak for themselves. What may well become Djebar’s magnum opus starts with the ruthless French invasion of the 1830’s (Fantasia), uncovers the despair of modern women for whom Independence has only brought further oppression (Scheherazade), and reaches all the way back to Numidia’s defiance of Imperial Rome (So Vast the Prison). “Augustine” deals with the final days of this Maghrebian-born, Greek-taught, Roman-raised, Christian-convert, the bishop of what is now the Algerian sea port of Annaba, and his dying meditation on the human cost of Empire. The projected quartet embraces all of North Africa’s hybrid past, uncovering its multi-glossic, multi-cultural inheritance to challenge the West’s too simple oppositional version of the relationship between colonial and post-colonial history.

 […] 

But the project also expands with a vengeance on thematics that have never left her: the silenced women of Islam. By the 1980’s, as far as critics on either side of the Atlantic were concerned, Djebar had become the unchallenged feminist of North African letters, praised above all for “writing the body” (écriture feminine). The first two volumes of the tetralogy were translated in London within months of each other and her name associated with that of Egyptian Nawal al-Saadawi, both celebrated as champions of Woman’s eruption into modernity against an ever-repressive, ever-regressive tradition. In Djebar’s case, the fact that unveiled women and westernized intellectuals were the primary targets for assassination in her country’s civil war only reinforced this stereotyped response. Djebar herself, in her many interviews, has however maintained a cautious distance from first world feminism. Preferring liberation by reason of humanity and justice to liberation by reason of gender alone, she holds up a critical mirror to the West’s patronizing gaze. She dissects the epistemological highwire act of all post-colonial writers, male or female, who function in the colonizer’s language in her collection of essays Ces voix qui m’assiegent (Albin Michel, 1999). If she could once upon a time agree with Audre Lorde that the master’s tools were lethal, she has since shed what she calls “this tunic of Nessus, the language of the Others in which I was enveloped from childhood” (Fantasia, p. 127). Now, she confidently manipulates the language of the colonizer to decolonize the mind.

 Clarisse Zimra on Assia Djebar

Routledge Encyclopedia Project

 

 

 

Assia Djebar vue à travers Le Monde en juin 2005

 

Catherine Bédarida, L'Académie française ouvre ses portes à Assia Djebar
Le Monde, Juin 2005 :

 

 « Le Maghreb a refusé l'écriture.

Les femmes n'écrivent pas. Ecrire, c'est s'exposer ».
Assia Djebar


L'écrivaine algérienne Assia Djebar a été élue, jeudi 16 juin, à l'Académie française, au fauteuil du professeur Georges Vedel, par 16 voix contre 11 pour le romancier Dominique Fernandez. Il y a eu deux bulletins blancs et trois autres marqués d'une croix (refus catégorique des candidats).

Assia Djebar devient ainsi le premier auteur du Maghreb à siéger sous la Coupole. Familière des récompenses et des distinctions littéraires, elle a reçu notamment le prix américain Neustadt, en 1996, ainsi que le Prix de la paix, à Francfort, en 2000, et avait été élue en 1999 à l'Académie royale de littérature de Belgique, au siège de Julien Green.

De son vrai nom Fatima-Zohra Imalayene, Assia Djebar a écrit en français de nombreux livres ­  romans, nouvelles, théâtre, essais ­traduits dans une vingtaine de langues. Ses ouvrages traitent de
l'histoire algérienne, de la situation des femmes et des conflits autour des langues. Son nom a été évoqué plusieurs fois pour le prix Nobel.

Née en 1936 à Cherchell, à l'ouest d'Alger, Assia Djebar a toujours été une pionnière. Son père, qu'elle décrit comme "fils de prolétaire, instituteur et socialiste", l'inscrit à l'école publique. A 11 ans,
elle est interne au lycée de Blida, seule élève "musulmane".

En 1955, elle est la première Algérienne reçue en France à l'Ecole normale supérieure (ENS), où elle étudie l'histoire. Elle fait grève dès les premiers jours de la guerre d'indépendance et quitte l'ENS. Le
général de Gaulle demande sa réintégration en 1959, en raison de son "talent littéraire". Elle a déjà publié à Paris ses deux premiers livres,
La Soif et Les Impatients, qui lui ont valu d'être saluée
comme la "Françoise Sagan musulmane".

Elle repart enseigner au Maroc, à Rabat, puis à l'université d'Alger après l'indépendance. Commence alors une vie qui tangue entre Alger, Paris et, plus tard, New York.

En 1965, quand le gouvernement algérien décide que l'enseignement de l'histoire doit se faire en arabe, Assia Djebar proteste et repart en France. Elle retourne en Algérie en 1974, puis revient en France au début des années 1980, "parce qu'il n'y avait plus que des hommes dans les rues d'Alger". Dans celles de Paris, elle marche souvent, trouvant dans cet arpentage libre l'élan nécessaire à son imagination.

Sa vraie patrie est l'écriture, envers et contre tout. "Le Maghreb a refusé l'écriture. Les femmes n'écrivent pas. Elles brodent, se tatouent, tissent des tapis et se marquent. Ecrire, c'est s'exposer.
Si la femme, malgré tout, écrit, elle a le statut des danseuses, c'est-à-dire des femmes légères."

Historienne, elle inscrit ses romans dans des faits précis. Dans les
nouvelles du recueil Oran, langue morte, Assia Djebar raconte la souffrance des femmes à l'heure de l'intégrisme des années 1990.

Le titre du recueil témoigne de la préoccupation constante de l'écrivain, qui a grandi entre trois langues, le berbère, l'arabe dialectal et le français. Alors que l'Algérie mène une campagne
efficace d'alphabétisation, l'arabisation commencée en 1975 a des conséquences catastrophiques, selon elle. Le gouvernement fait venir des coopérants d'autres pays arabes, parmi lesquels se glissent de nombreux intégristes. Dans son livre Le Blanc de l'Algérie, elle explique les maux de son pays par ses problèmes linguistiques.

L'arabe officiel est la langue des hommes, et la romancière cherche ailleurs sa propre parole. "J'ai le désir d'ensoleiller cette langue de l'ombre qu'est l'arabe des femmes."

Dans ses romans, elle transporte l'"ombre" en français, la traduisant par une polyphonie de voix intérieures et extérieures, de résonances arabes et de scansions berbères, un choc entre les mots de la passion amoureuse et le silence imposé.

Au Parlement international des écrivains (PIE), qu'elle rejoint dès sa fondation en 1994, avec Salman Rushdie, Jacques Derrida et Pierre Bourdieu, "elle a toujours porté la question de la diversité
linguistique et culturelle, en Algérie ou ailleurs" , explique Christian Salmon, délégué général du PIE.

Jusqu'à cette élection à l'Académie française, Assia Djebar a parfois été mieux reconnue à l'étranger qu'en France. Aux Etats-Unis, "son oeuvre est enseignée dans la plupart des départements universitaires de français", assure le professeur Thomas C. Spear, auteur de La Culture française vue d'ici et d'ailleurs (L'Harmattan).

La romancière a eu son premier poste américain à la Louisiana State University de Baton Rouge, aux côtés du romancier antillais Edouard
Glissant, dans les années 1990. Depuis 2001, elle enseigne au
département d'études françaises de New York University. "Comment se fait-il que tous ces auteurs francophones enseignent aux Etats-Unis et non en France ?", interroge Thomas C. Spear.

La nouvelle académicienne a déclaré, jeudi soir, qu'elle espérait que cette élection faciliterait "en Algérie, au Maroc et en Tunisie, la traduction en arabe de tous les auteurs francophones".

 

 

Christine Rousseau, "Un écrivain-frontière entre l'Orient et l'Occident"
Le Monde,  17.06.05 :

 Après l'élection en 2002 de François Cheng, premier écrivain d'origine asiatique à entrer sous la Coupole, c'est un signe fort d'ouverture à la francophonie qu'a lancé, jeudi 16 juin, l'Académie française.

"Cette élection est un signe envers tous ceux, amis de notre culture, qui nous sont proches et avec qui nous avons en partage une langue : le français", a indiqué le ministre de la culture et de la
communication, Renaud Donnedieu de Vabres.

Hélène Carrère d'Encausse, l'académicienne qui "fut pratiquement à l'origine de cette élection", a souligné que "cela marque nos grandes orientations. A travers le talent d'Assia Djebar, c'est aussi une
manière d'oeuvrer pour la réconciliation avec l'Algérie. Je suis d'autant plus fière que depuis que je suis secrétaire perpétuelle, c'est la deuxième femme, qui plus est musulmane, à entrer à
l'Académie. Cela marque notre volonté d'aider à la résolution de certains problèmes. Enfin c'est un signe fort, aussi, adressé aux femmes musulmanes."

Marguerite Yourcenar a été, en 1981, la première femme élue à l'Académie française. Aujourd'hui, Jean d'Ormesson se réjouit qu'une quatrième femme vienne siéger sous la Coupole après Jacqueline de Romilly (élue en 1988), Hélène Carrère d'Encausse (1990) et Florence Delay (2000). Ce dernier salue "une femme très ouverte, très libre mais qui, malheureusement, est beaucoup plus connue à l'étranger qu'en France".

Comme le relevait aussi un autre académicien, Marc Fumaroli, "joyeux
de ce choix qui est une invitation de la part du milieu littéraire à dépasser les souvenirs atroces qui lient les deux pays".

"Figure Emblématique"

Même écho de joie chez la romancière Malika Mokeddem, qui voit dans cette élection un très bon signe d'ouverture, "surtout pour la littérature maghrébine, qui fut longtemps mal connue et mal
considérée. Assia Djebar est la première d'entre nous tous, qui sommes restés vivants".

Autre romancière installée en France depuis plusieurs années, Leïla Sebbar a salué là un geste politique. "La France a mis du temps à la reconnaître, car jusqu'alors elle était le plus souvent récompensée à l'étranger. La France répare ainsi quelque chose. C'est une figure emblématique de la littérature algérienne, mais pas seulement, car c'est un écrivain-frontière entre l'Algérie et la France, l'Orient et l'Occident. C'est une femme du sud, une femme de lutte, une femme du
livre."

Enfin, l'Algérienne Maïssa Bey s'est dite d'abord heureuse qu'une femme devienne, après Léopold Sédar Senghor (élu en 1983), la deuxième Africaine à entrer à l'Académie. Espérant que cette élection ne soit pas "l'objet de récupération politique", notamment en Algérie, elle a ajouté, "j'aimerais que ce soit l'écrivain dans son rapport à la langue française qui ait été couronné et non une femme emblématique."


 

De son vrai nom Fatima-Zohra Imalhayène
Née à Cherchell le 4 août 1936. Père instituteur ancien élève de l'Ecole Normale de Bouzaréa avec Mouloud Feraoun. Etudes en Algérie jusqu'à Propédeutique, fac d'Alger 1953-54. 1954 Khâgne à Paris, lycée Fénelon. Admise à l'ENS de Sèvres en 1955. Arrêt des études en 1956 après participation à la grève des étudiants algériens. Mariage en 1958. Journalisme à El Moudjahid à Tunis. D.E.S. en Histoire. 1959 assistante à l'Université de Rabat. 1962 Université d'Alger. Puis Centre Culturel Algérien à Paris et FAS. Actuellement enseignante à l’Université de New York.

Prix de la critique internationale à Venise en 1979 pour "La Nouba des femmes du mont Chenoua" (Film). Prix Maurice Maeterlinck (Bruxelles), 1995. International Literary Neustadt Prize (USA), 1996. Prix international de Palmi (Italie), 1998. Elue à l'Académie française le 16 juin 2005.


Edito du Monde « Immortelle », Le Monde, 17.06.05
En élisant, jeudi 16 juin, la romancière Assia Djebar membre de l'Académie française, les Quarante ont frappé un grand coup. Ils réaffirment d'abord que la francophonie n'est pas seulement un mot.
Ils s'ouvrent ensuite pour la première fois à un auteur du Maghreb. Ils rappellent enfin que l'Académie est déterminée à continuer d'accueillir dans ses rangs des femmes remarquables après les
élections de la romancière Marguerite Yourcenar (1903-1987), de l'helléniste Jacqueline de Romilly, de l'historienne Hélène Carrère d'Encausse et de l'écrivaine Florence Delay.

Le signal adressé à la francophonie est essentiel. La littérature française est trop souvent, pour ne pas dire toujours, pensée comme un pré carré avec des frontières dressées autour de la région Ile-de-France... Le chauvinisme est vécu en France comme une évidence, alors que la langue française devrait servir d'unique étendard à tous les auteurs francophones, qu'ils soient vietnamiens, canadiens,
belges, suisses, africains, égyptiens.

En ce sens, l'élection de la Franco-Algérienne Assia Djebar est déjà une victoire. Elle rappelle fortement que la littérature, comme les sciences, a une vocation universelle ou, au minimum, transfrontières. "La langue française est ma maison", a pu déclarer Assia Djebar. Cette
maison possède un large toit, ce qu'on oublie trop.

La reconnaissance accordée à l'oeuvre de la romancière va plus loin. Méconnue en France, Assia Djebar est une enfant du Maghreb, fille d'instituteur, qui a su brillamment concilier l'arabe et le français. Si elle est la première auteure du Maghreb à devenir membre de l'Académie française, elle fut aussi la première Algérienne à
intégrer, dans les années 1950, la prestigieuse Ecole normale
supérieure.

La romancière, dont le nom a été plusieurs fois évoqué pour le prix Nobel, aura mis longtemps à être honorée en France. De fait, elle aura supporté le double handicap d'être maghrébine et femme. Traduite, étudiée dans la plupart des pays, elle fut ici ignorée ou tenue en
lisière. Dès 1999, l'Académie royale de littérature de Belgique l'avait élue au fauteuil de Julien Green (1900-1998). Et les Etats-Unis lui auront donné la possibilité d'enseigner, jadis à l'université d'Etat de Louisiane à Baton Rouge, aujourd'hui à l'université de New York.

Par son vote, l'Académie efface ce long mépris. Les Immortels accueillent une romancière qui fut aussi une nationaliste algérienne, une militante, une collaboratrice du quotidien El Moudjahid. Sa vie
est le reflet d'une lutte incessante pour l'honneur, l'indépendance, la liberté des femmes. Le chemin fut long de son enfance algérienne à son périple à travers le monde, de sa langue maternelle à
l'apprivoisement de celle de "l'ancien colonisateur", cette langue qui "s'était avancée autrefois sur des chemins de sang, de carnage et de viols". Si Assia Djebar refuse d'être un symbole, elle ne pourra
empêcher Alger et Paris d'en voir un dans cette élection.